La République démocratique du Congo est actuellement en pleine saison des pluies. Celles-ci se sont intensifiées en décembre. Comme d’habitude, de grosses inondations sont au rendez-vous. C’est ce qui arrive chaque année. Les mêmes causes produisant les mêmes effets !
Entre les mois d’octobre et de décembre 2019, en plus de Kinshasa la capitale, plusieurs provinces de la RDC ont été ravagées par des inondations dues à des pluies diluviennes. C’est le cas des provinces comme le Nord et le Sud-Ubangui, le Sud-Kivu, le Kasaï-Oriental, pour ne citer que celles-là. Mais c’est à Kinshasa que le nombre de victimes et les dégâts ont été les plus importants. Une quarantaine de morts et des centaines d’habitations englouties.
Il existe pourtant de petites solutions inventées par des communautés et auxquelles on peut faire recours pour que ces drames ne se reproduisent plus.
Nous vous partageons ici des exemples de solutions utilisées par les communautés à Mbujimayi au centre de la République démocratique du Congo. Souvent victimes de pires inondations, elles ont su s’adapter avec des solutions pas très efficaces, mais quand-même alternatives. C’est notamment les digues, la pelouse et les vétivers. Ça marche.
Le quartier Tshiasasa à Mbujimayi
Ce quartier est un bidonville habité par des milliers de personnes au centre de Mbujimayi. Le problème est qu’il est situé sur le versant d’une colline et dans la partie basse. Quand des pluies torrentielles arrivent, les torrents sont tellement forts que parfois des habitations entières sont emportées au passage des eaux. Dans la partie basse au delà de l’avenue Inga, des inondations peuvent durer jusqu’à une semaine.
Des solutions rapides et pratiques
Comme solutions, les populations n’ont pas attendu que le gouvernement vienne leur construire des égouts et des caniveaux. Voici des décennies qu’elles font face à ces inondations et le gouvernement n’intervient que rarement. En RDC, les priorités du gouvernement sont la guerre, les élections… Pas les infrastructures et la vie des citoyens pauvres. Ainsi, les populations ont compris qu’il faut se prendre elles-mêmes en charge. Elles ont acheté plusieurs sacs, construit des digues de sable avec ces sacs et planté ici et là des roseaux, des vétivers et de la pelouse pour amortir la puissance de la coulée des eaux.
Par rapport à de gros ouvrages de maçonnerie que cela nécessite, la solution de digues de sacs de sable est moins coûteuse. Il suffit d’aller acheter les sacs vides sur le marché local. Vous en trouvez dans tous les marchés. Un bon sac vide coûte entre 500 et 800 francs congolais (environ 0.25$ et 0.4$). C’est le genre de sacs utilisés pour porter le charbon de bois ou les friperies partout en Afrique. Remplissez entièrement ces sacs avec du sable jusqu’à ce qu’ils soient gonflés comme un ballon. Ensuite, cousez l’ouverture pour la fermer. Étalez ces sacs en travers du lit du passage des eaux de ruissellement. Parfois, à des endroits, on les imbrique les uns sur les autres jusqu’à en faire une sorte de natte bien tissée sur le sol avec une petite inclinaison. Ainsi, quand les eaux de pluie arrivent, elles ne stagnent pas. Elles passent facilement. Voilà comment ça marche.
Dans certaines rues, les eaux de ruissellement causent un phénomène d’érosion. Les habitants qui n’ont pas les moyens d’acheter des sacs vides pour stopper le ravinement, plantent simplement de la pelouse naturelle.
« Et ça marche, car le couvert végétal permet d’avaler de grosses quantités d’eaux de ruissellement sans créer ni ravin ni inondations », explique un vieil homme du quartier. Et la pelouse ne coûte rien. Elle n’est pas à rechercher : elle pousse partout à Mbujimayi.
« Bien sûr, les sacs pourrissent après deux ou trois mois, mais nous les renouvelons toujours »
Josué Mukendi, habitant du quartier Tshiasasa
Ce genre de solutions a certes des limites, mais au moins il a le mérite de résoudre tant soit peu les problèmes d’inondations et à peu de frais. Josué Mukendi est l’un des habitants du quartier Tshiasasa. Il témoigne :
« Quand il pleut, toutes les eaux provenant de la ville Miba et des habitations situées sur la colline de Bonzola passent par ici à une vitesse extraordinaire. Et c’est nous qui en pâtissons. Nous avons donc érigé toutes ces digues en sacs de sable. Nous avons également planté la pelouse pour éviter le phénomène d’érosion. Et je peux vous assurer que nos habitations sont désormais épargnées par des inondations. Bien sûr, les sacs pourrissent après deux ou trois mois, mais nous les renouvelons toujours. »
Je pense que si tous les quartiers qui sont dans la même situation appliquaient les mêmes solutions, cela nous éviterait certainement d’enregistrer des morts dus aux inondations. Hélas, il y a encore des quartiers qui préfèrent subir des dégâts et attendre jusqu’à ce que l’État vienne intervenir.
Parfois l’Etat vient au secours
Sur l’avenue Cathédrale, un caniveau abimé répandait de grosses quantités d’eaux sales dans les concessions riveraines pendant les pluies diluviennes. Mais le gouvernement a réparé le caniveau, à la grande satisfaction des habitants. Mais il aura fallu que les communautés appellent à l’aide.
« Nous avons crié au gouverneur de la province et il a écouté nos pleurs. Il a fait construire ce caniveau. Aujourd’hui, les eaux passent assez bien. »
Anne-Marie, habitante du quartier Tshiasasa
Anne-Marie, une femme du quartier explique : « C’était un calvaire ici. Les eaux débordaient du caniveau et remplissaient littéralement nos maisons. Pas moyen de dormir la nuit quand il pleut. Nous devions passer tout le temps à évacuer les eaux à l’aide des seaux et des bassines. Nous avons crié au gouverneur de la province et il a écouté nos pleurs. Il a fait construire ce caniveau. Aujourd’hui, les eaux passent assez bien. »
Et donc, ce ne sont pas des solutions miracles, mais tant qu’elles peuvent sauver des vies, elles sont les bienvenues pour les populations pauvres.
Dans certaines parties du quartier, les digues ont rendu certaines rues impraticables pour le passage des véhicules. Mais les populations estiment qu’elles ont plus besoin de se protéger des inondations et de potentiels ravins que de voir passer des véhicules.
Cet article de Jean-Hubert Bondo a été réalisé dans le cadre du dossier thématique initié par StopBlabla, portant sur les réponses africaines pendant la saison pluvieuse.
(Re) Lisez BURKINA FASO : FACE AUX INONDATIONS, LES RIVERAINS DE ZONGO PRENNENT LEUR DESTIN EN MAIN