Sénégal– L’éducation, un secteur primordial pour le développement d’un pays. « Utiliser le numérique pour réduire les inégalités d’accès à une éducation de qualité ». Telle est l’ambition de l’Ecole au Sénégal, School in Senegal (EAS), un « projet social » disponible en ligne et sur les smartphones visant à aider les élèves, les enseignants et toute autre personne souhaitant accéder aux cours réguliers et à d’autres contenus éducatifs sous format vidéo.
« Nous reconnaissons la valeur d’un lien étroit entre l’éducation et le comportement civique lié à la productivité et donc à la croissance d’un peuple », explique à StopBlabla Cherif Ndiaye, le jeune fondateur sénégalais d’EAS. « Depuis janvier 2012, nous nous sommes donc engagés à mettre en œuvre les pratiques innovantes nécessaires pour soutenir et renforcer le système éducatif en général ». Avec 103 000 anciens élèves, 54 professeurs et plus de 3 000 cours, l’EAS révolutionne la manière d’enseigner non seulement en quantité mais aussi en qualité. Les professeurs passent en effet par une sélection rigoureuse pour offrir le meilleur à tous ceux qui souhaitent utiliser cette plateforme pour apprendre.
« L’idée de l’EAS est née pendant l’année des élections présidentielles où, pendant quatre mois, des manifestations d’enseignants, ont eu pour conséquence le blocage du système scolaire… « Je dirigeais déjà un centre d’appels et j’avais des contacts avec des organisations étrangères, alors je me suis demandé s’il était possible d’installer un système technologique pour permettre aux élèves de fréquenter l’école même lorsque le système scolaire était inaccessible ». Chérif Ndiaye
Au Sénégal, environ 60% des salaires publics sont consacrés au système éducatif. Chaque grève des enseignants et chaque manifestation dans la rue, qu’elle soit motivée à juste titre ou non, signifie un arrêt brutal du développement de toute une nation. Cherif N’diaye a donc pensé qu’en vivant au XXIe siècle, il était possible d’apprendre d’une autre manière. « Au début, j’ai lancé un site web avec des cours pour la dernière année de lycée rédigés sur des PDF, je n’ai même pas pensé à la possibilité de faire des vidéos », poursuit le fondateur d’EAS.
» Vers 2014, nous avons réalisé que notre plateforme n’avait pas encore atteint le succès espéré, nous avons donc révolutionné notre approche en mettant en ligne des vidéos pour suivre les cours, car c’était la manière préférée des jeunes pour apprendre »
Chérif Ndiaye, fondateur d’EAS
À l’époque, les cours portaient principalement sur la « Terminale » qui, au Sénégal, est généralement fréquentée par des élèves âgés de 17 à 21 ans. Au fil des années, le projet s’est étendu à l’ensemble du lycée à partir de 13 ans, une tranche qui représente environ 70 % de la clientèle. Mais il y a aussi des personnes de plus de 30 ans qui s’inscrivent à l’EAS, notamment des enseignants, des adultes qui veulent mieux se préparer aux examens publics, des agents de police ou de simples citoyens qui n’ont pas la possibilité de s’inscrire dans une école traditionnelle mais qui veulent quand même retourner en classe. Il suffit de visiter le site web de l’EAS ou télécharger l’application et s’inscrire gratuitement, puis choisir les classes ou les cours auxquels vous souhaitez assister.
L’Ecole au Sénégal choisis parmi une dizaine de candidatures ses enseignants. Une des méthodes d’enseignement innovante qui doit être considérée comme un complément à la manière classique d’enseigner et aussi c’est une façon de donner une alternative importante aux étudiants », souligne Babacar Gnasse, l’un des professeurs qui se rend une fois par semaine au bureau de l’EAS pour enregistrer ses cours de sciences. « Il y a des avantages et des inconvénients : les premiers sont principalement liés à la capacité des étudiants à mieux gérer leur temps d’apprentissage, à décider quand suivre les cours et à les suivre plusieurs fois, l’inconvénient est plutôt la limite pour un professeur de ne pas pouvoir vérifier la compréhension d’un élève qui pourrait avoir besoin de plus d’efforts pour un cours en particulier ».
« J’ai découvert l’EAS par hasard, quand j’ai vu une de leurs vidéos et avec la pandémie je me suis inscrite pour ne pas manquer les cours, maintenant je l’utilise comme un outil complémentaire à l’école plus traditionnelle », raconte Aida Mbaye, étudiante en première année à l’École nationale supérieure d’agriculture. » Apprendre en ligne m’a permis d’économiser du temps et de l’énergie, car avant je devais me lever très tôt pour me préparer et aller à l’école, parfois dans le bus il n’y avait même pas de place pour s’asseoir avec mon lourd sac à dos rempli de livres, donc les étudiants arrivent toujours en classe très fatigués et incapables de se concentrer correctement « .
Aida Mbaye, étudiante
Le financement de la plateforme provient des particuliers ou d’entreprises, par le biais de leurs départements de « responsabilité sociale ». La Fondation Bank of Africa, par exemple, finance près de 50 % du projet. Dès le début de la pandémie de coronavirus, EAS a connu une explosion d’abonnés et d’institutions intéressées par cette plateforme numérique, augmentant son impact sur la population. Le ministère sénégalais de l’éducation a d’ailleurs récemment décidé de contribuer à l’initiative, en plus d’une cinquantaine de privés qui croient au projet. Le budget dont dispose l’EAS pour 2021 est de 260 millions de francs CFA (environ 170 mille euros). « L’argent n’a de toute façon jamais été notre priorité », assure Cherif Ndiaye.
« Notre priorité est de fournir un service qui ne déçoit pas les élèves qui veulent réussir à l’école ».
Chérif Ndiaye, fondateur de l’Ecole Au Sénégal (EAS)
LIMITES
Ce projet n’a pas été conçu uniquement pour les personnes aisées qui vivent en milieu urbain et qui ont un meilleur accès aux finances et à la connexion internet. EAS fait également de gros efforts en direction de la tranche de la population qui vit dans les zones rurales et qui a du mal à se connecter, tant pour des raisons économiques que techniques. Dans un continent où l’accès à l’eau potable et à l’électricité est encore très limité, où Internet peut être considéré comme un luxe, le défi d’être en ligne est énorme. Sur Youtube, par exemple, l’EAS a laissé aux élèves la possibilité de télécharger gratuitement les leçons. Comme tout le monde ne peut pas s’offrir une connexion internet, pour le moment certains contenus de la plateforme peuvent être partagés avec une clé USB, même avec ceux qui n’ont pas les moyens de les télécharger. En outre, l’EAS essaie de comprendre comment il serait possible d’utiliser la plateforme sans être en ligne.
« Nous sommes en conversation avec une entreprise de Singapour », explique Irène Ntui, une Camerounaise qui vit à Dakar depuis cinq ans et qui est la nouvelle chef de projet de l’EAS depuis juin. « Les demandes ont considérablement augmenté avec la pandémie, nous devons donc nous équiper d’outils qui évitent une réduction de la vitesse de la plateforme. La société de Singapour nous a mis en contact avec la société américaine Vita Technologies avec laquelle nous essayons de résoudre certains problèmes techniques pour rendre notre travail plus efficace. Enfin, nous travaillons également avec une entreprise nigériane qui a l’expérience de l’extension d’initiatives comme la nôtre vers les zones rurales. «
Quel avenir?
Un autre outil sur lequel nous travaillons est la production de cartes SIM EAS, conçues avec l’aide de l’organisation française Bibliothèques Sans Frontières, qui, une fois insérées dans un Smartphone, qui peut être acheté au Sénégal pour environ 20 000 francs CFA, peuvent permettre l’accès à certains cours de la plateforme tels que les mathématiques, la géographie et la physique. Ce sont des solutions sur lesquelles EAS travaille pour améliorer l’accès à l’initiative.
« Nous avons la volonté de nous développer, c’est pourquoi nous avons essayé à plusieurs reprises de contacter certaines agences des Nations unies qui, pour l’instant, ne nous ont pas encore répondu », conclut Cherif. Nous sommes également en train de nous ouvrir à d’autres pays comme le Mali, la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Maroc et le Niger ». L’avenir de l’EAS concernera de moins en moins l’apprentissage en français et de plus en plus les langues locales où l’intelligence artificielle sera intégrée pour produire des cours qui, espérons-le, concerneront la plupart des pays africains. L’idée est de transformer l’EAS en Ecole Africaine de Savoirs.
L’article a été réalisé dans le cadre de notre dossier Tour d’Afrique des Solutions, lié à l’éducation.
Le texte original en anglais est traduit en français par Anouk Habermacher.
(RE) DECOUVREZ DANS LE CADRE DE NOTRE
Tour d’Afrique des Solutions
L’engagement d’une communauté pour permettre aux élèves de leur village, Rikou de poursuivre leurs études.